Les événements qui suivent se sont
produits l'année dernière, au début du mois de décembre, tandis que je
me rendais au Luc, commune de Saint-Martin-de-Sanzay. Je vais les
retranscrire au mieux, tels qu'ils se sont déroulés, du moins tels
qu'ils me sont apparus.
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Les mois qui ont suivi j'ai parcouru la région, souvent à pied, à toute heure, toute saison, pour retrouver la fontaine de la Dame blanche qu'évoque Hugues Imbert : "La fontaine merveilleuse [...] existe encore auprès de
ce village. Elle porte le nom significatif de la Blanche." Le cadastre napoléonien de 1825 en a précieusement fixé le souvenir.
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Extrait du cadastre napoléonien, section K dite de la Côte.
Y figurent La Blanche, Le Coteau de la Blanche,
et plus au Nord La Petite Blanche. |
Le lieu est plus inquiétant qu'enchanteur et correspond aux descriptions qu'en font les historiens. Les "lucus" étaient redoutés par les hommes à cause des divinités qui les occupaient, ils avaient préféré construire des temples à proximité pour célébrer leur culte, c'est ce que fait remarquer Hugues Imbert en mentionnant "le refuge fortifié, dont les lucs sont toujours accompagnés". Aujourd'hui, il n'y a plus vraiment de forêt autour de La Blanche mais des prés bordés d'arbres et des fossés remplis d'une eau croupie. A certains endroits, le paysage devient même marécageux.
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Fossé aux abords de La Blanche. |
Il ne faut pas être paranoïaque, ni cardiaque d'ailleurs, pour partir à la recherche de la fontaine de la Dame blanche. Les craquements, chuintements, sifflements provoquent des sursauts imbéciles. C'est que l'esprit, obnubilé par la légende, connote la réalité, immanquablement ; même le plus cartésien s'y laisse prendre, j'en suis la preuve. Les signes de mauvaise augure ne manquent pas pour qui veut les voir. Ici, des peupliers barrent le chemin (voir ci-dessous). L'idée de passer en dessous soulève une inquiétude. Pourtant, par défi et pour se prouver que l'on n'a pas peur, on veut y aller. Et puis soudain on réfléchit : Quelle est la probabilité pour que ces deux arbres soient tombés l'un sur l'autre ? Alors on n'est plus sûr de rien, alors on fait un pas en arrière. Ce renoncement est le premier d'une série qui fera vaciller la raison. La quête de la Dame blanche commence véritablement à cet endroit, quand les charmes inquiétants de la Nature nous pénètrent malgré nous.

On n'y prête pas forcément attention de prime abord mais l'atmosphère de la Blanche est mortifère, les arbres sont malades ici, certains sont déjà morts, le gui est partout qui les recouvre, il dessine d'étranges portes à franchir ou à fuir.

D'étranges figures aux allures presque animales semblent nous attendre
Les souches ont des regards torves.
Quand on croit avoir découvert enfin la fontaine de la Dame Blanche, il n'y a pas lieu d'en douter ou d'activer un GPS pour vérifier l'exacte position. La fontaine s'offre comme une évidence, elle est blanche ! La photo ci-dessous ne lui rend pas justice, la faute aux reflets. Le phénomène, quoique singulier, a tout de même une explication prosaïque : le fond de l'eau est tapissé de craie argileuse, ce qui lui donne sa teinte laiteuse.



Je n'ai pas rencontré la Dame blanche aux abords de la fontaine, à mon grand regret. Cependant, en rentrant de mon périple, j'ai scruté de près les photos que j'avais prises. Celle ci-dessus m'a interpellé, je voyais dans la fontaine le visage blanc d'une femme endormie, les yeux clos. Je l'ai montrée à des amis sans leur dire de quoi il retournait afin de ne pas fausser leur jugement. Ils n'ont rien remarqué. J'en ai conclu que j'étais victime d'une illusion, j'ai essayé de m'en départir mais malheureusement, et encore aujourd'hui, je suis incapable d'y voir autre chose que le visage diaphane de la Dame blanche, mon esprit est irrémédiablement attirée par elle.
La suite lundi...