vendredi 29 novembre 2013

La Gabrielle

Portrait de
Gabrielle de Bourbon
vers 1491
L'Histoire ne coule pas de source comme on pourrait le croire, l'Histoire est faite par ceux qui en tracent les grandes lignes. Ainsi sous l'Ancien Régime, "l'antique esclavage" comme dit la chanson, ce sont les seigneurs qui faisaient l'Histoire, et ils avaient les moyens et le pouvoir de forger pour la postérité une belle image d'eux. Illustration avec Gabrielle de Bourbon. 

Gabrielle de Bourbon a laissé dans les mémoires, et dans les livres d'Histoire, le souvenir d'une personne parée de toutes les vertus. Imaginez plutôt, elle fut l'épouse aimante de Louis II de la Trémoille, on dit même qu'elle mourut de chagrin après avoir perdu son fils unique, Charles, mort à la bataille de Marignan en 1515. On lui doit aussi la collégiale du château qui est une sainte chapelle, Gabrielle étant une descendante de Saint Louis.

Et puis, comme elle était érudite et soucieuse d'éduquer ses contemporains aux bonnes mœurs religieuses, elle écrivit quelques ouvrages dont le Petit Traité sur les douleurs de la passion du doux Jésus et de sa benoîte mère, le Voyage spirituel entrepris par Âme dévote pour parvenir à la cité de Bon Repos, et le Fort Château pour la retraite de toutes bonnes âmes, tous trois sont des récits allégoriques destinées à l'éducation des jeunes filles.

Très vertueuse, donc. Allez, grattons un peu le vernis.

Illustration extraite du récit
de Gabrielle de Bourbon Voyage spirituel 
entrepris par Âme dévote pour parvenir 
à la cité de Bon Repos.
Bibliothèque Mazarine, ms. 978, f. 1–29v.

Âme dévote (au centre)
et ses amis embarquent
sur le navire du Salut.  

Selon l'historien Laurent Vissière, 
il se pourrait que La Gabrielle 
ait inspiré cette enluminure.
Gabrielle de Bourbon avait un bateau, une bien belle nef qui portait son nom, La Gabrielle. C'était un grand navire qui embarquait 150 hommes d'équipage et 700 tonneaux.

A quoi pouvait bien servir un si fier navire en 1491 ? Traverser les mers et chercher une route vers les Indes ? Défendre le royaume contre de méchants ennemis ? Non, rien de tout cela, La Gabrielle était un navire corsaire qui parcourait les côtes pour piller des navires marchands étrangers et ramener le butin ainsi récolté à Thouars. Voilà une bien pieuse mission.

On ne sait pas si ce genre d'activités assurait à l'âme dévote de sa commanditaire un accès au paradis, mais il m'est d'avis que son paradis était également bien terrestre et se comptait en pièces d'or, étoffes et pierreries.







***


La Nef des fous, de Jérôme Bosh,
 tableau qui se trouve être daté de 1491
 et qui forme comme un contraste amusant
avec le précédent.
Si l'on sait peu de choses de la vie de ce bateau, on connaît en revanche très bien un épisode qui remonte à l'été 1491. La Gabrielle, partie des Sables d'Olonne, mena une campagne de plusieurs mois sur les côtes bretonnes, portugaises, espagnoles et africaines. Ils arraisonnèrent plusieurs navires étrangers et en volèrent les cargaisons. Mais au retour, le capitaine Chiros, avec semble-t-il la complicité de tout l'équipage, décida de garder le butin par devers eux et de ne présenter à Gabrielle de Bourbon que ce qui restait, à savoir... des excuses : "Oh bah désolé, on n'a vraiment pas eu de chance. Ah c'est couillon mais bon... tant pis".

Après dénonciation, tous les membres de l'équipage n'ayant pas reçu leur dû, il y eut un procès. Ce sont les dépositions des protagonistes qui nous informent précisément sur la rocambolesque aventure de La Gabrielle.

Pour ceux que le sujet intéresse et qui voudraient l'approfondir, on peut lire des extraits des travaux de Laurent Vissière ici.

Retranscription de la lettre où le capitaine Chiros annonce qu'il rentre bredouille.
 « La Gabrielle, navire des La Trémoille », Laurent Vissière, in Revue d'Histoire maritime, n°2-3, 2001, p. 55.

A noter toutefois dans cette lettre, l'excuse sûrement bidon qu'utilise Chiros pour prendre congé et ainsi mieux s'occuper de son magot :

"Je vous prie [...] Madame de me donnés congé d'aller a ma maison, car je say bien que ma femme ne se contempte pas de moy." 



mercredi 27 novembre 2013

Vu !

Les bâtisseurs de Tyndo profitent des ors du soleil couchant pour jouer à cache-cache. 

Cliquer sur l'image pour l'agrandir.


mardi 26 novembre 2013

Dites-le avec des fleurs

Un lecteur génial nous envoie une photo assortie d'un commentaire judicieux :

"c’est sûrement plus porteur que de vendre des soucis…" 

Route de Saumur, pépinière La Casse, Louzy


vendredi 22 novembre 2013

SMS à vapeur

Rendons grâce au génie thouarsais qui n'a qu'un seul défaut, celui d'être trop en avance sur son temps. 
 
Ainsi, ce sont des cheminots qui ont inventé l'écriture SMS dans les années 20. On en voit encore des exemples au travers des noms affichées au fronton de quelques maisonnettes du quartier de La Folie :

TOU SKI MFO

ou encore :

LAISLÉDIR


Réaction à chaud de Dylan, 13 ans et demi :

"Ah mais mdr quoi ! Les ieuv y s'avaient trop le swag en fait !"

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Autre invention mémorable, les voyageurs de commerce qui se réunissaient à Massais dans les années 1920-30 avaient pour emblème un "bouc qui fume", celui-ci fut décliné en bouchon de radiateur pour automobile qui avait l'originalité de pouvoir laisser échapper de la vapeur. Ainsi ils lancèrent avec un peu d'avance la mode du vapotage qui fait fureur aujourd'hui.


Un bouc qui fume.

mercredi 20 novembre 2013

Les amours contrariées

La place St-Médard,
lieu des exécutions publiques.
Dessin de E.Breillat (sa)
400 ans après les faits, il est grand tant de condamner l'erreur judiciaire qui coûta la vie à une innocente thouarsaise, laquelle fut injustement conduite au bûcher. 

C'était le 20 janvier de l'an 1600, le tribunal royal de Paris avait à traiter une sombre affaire de mœurs qui s'était déroulée quelques mois plutôt à Thouars. Les juges, rendant leur verdict, reconnurent le dénommé Hilaire Collas coupable : 
"d'avoir plusieurs et souventes fois commis et perpétré actes de sodomie détestable avec la vache noire mentionnée au présent procès criminel (ndr : la vache appartenait à un dénommé Robert Fortin).

En conséquence ladite Cour ordonne que Collas Hilaire sera conduit dans un tombereau jusqu'à la potence qui sera pour cet effet dressée sur le marché en place publique de Thouars et que lorsqu'il sera monté au haut de l'échelle appuyée sur la potence : la vache sera assommée, et ensuite son corps brûlé dans un feu qui sera allumé auprès : ceci fait ledit Collas Hilaire sera pendu à la potence ; et ensuite son corps brûlé avec le même feu où ladite vache aura été consumée : et leurs cendres jetées au vent."

Source : Procès faits à divers sodomites jugés au Parlement de Paris, tome I, p. 162-164
(orthographe modifiée pour une meilleure lecture)



Chers lecteurs, chers concitoyens,
 cher jurés populaires de ce procès en révision improvisé,

Après avoir examiné de près les actes du procès, il apparaît qu'un vice de forme entache sérieusement la condamnation prononcée par les juges de l'époque. En effet, le dénommé Hilaire Collas eut beau nier les faits qui lui étaient reprochés, même sous la torture puisqu'il est mentionné qu'il "[fut appliqué] à la question", de nombreux témoignages l'accablent tant et si bien que sa culpabilité ne fait pas de doute. En revanche, et là je m'insurge, mesdames et messieurs les jurés, oui je m'insurge car, rendez-vous compte, personne n'a pris le soin de recueillir le témoignage de la vache. De ce fait on ne peut pas déterminer avec précision si ladite vache était ou non consentante. Comment dès lors statuer sur la responsabilité de ma cliente ? Nous ne le pouvons pas, nous ne le devons pas !

En l'absence d'éléments à charge contre la vache à Robert Fortin et parce que le doute doit bénéficier à l'accusée, je réclame la réhabilitation sine die de ma cliente et vous devez, chers jurés, accéder à cette requête.

Je vous pose la question : n'y a-t-il pas eu suffisamment de barbarie dans cette histoire ? Pensez un peu à cette vache qui aurait dû vivre paisiblement, paître dans les vertes prairies, une marguerite au coin de la bouche. Et au lieu de cela : la mort ! Oui, la mort ! Mesdames et messieurs les jurés. Et non seulement la mort mais encore le déshonneur et l'injure d'avoir vu ses cendres mêlées à celles de son probable agresseur. Quel infâme traitement ! Honte aux juges ! Honte à ces juges qui ont érigé en loi l'ignominie la plus abjecte qui soit !

Heureusement, Mesdames et messieurs les jurés, il n'est pas trop tard pour que justice soit faite et elle doit être faite car, vous le savez, rien ne se perd dans ce monde, et les cendres hier jetées au vent sont toujours là, quelque part, nous en respirons aujourd'hui d'infimes particules sans nous en apercevoir, nous respirons la barbarie de nos aïeux qui s'insinue en nous sans que nous ayons même le réflexe d'éternuer pour la rejeter. Ceci est insupportable et c'est pourquoi je lance, afin de purifier l'air encore vicié de la place Saint-Médard, une souscription dans le but d'ériger un monument à la mémoire de la vache noire à Fortin. Rien de grandiloquent, je vous rassure, juste une petite bricole symbolique pour marquer le coup et libérer notre conscience, disons qu'une statue en bronze grandeur nature devrait faire l'affaire.



Esquisse du projet pour l'édification d'un monument à la mémoire de la vache noire à Fortin.



mardi 19 novembre 2013

Quand les spectacles de la place Saint-Médard attiraient les foules

Place Saint-Médard.
Départ du ballon
"La Brise", 1901.

Certes il y eut la Montgolfiade de 1901 qui laissa de bons souvenirs (voir ci-contre), mais la place Saint-Médard connut des animations bien plus spectaculaires encore. Il faut dire que pendant longtemps, celle qui s'appelait encore la place du Minage avait été choisie comme lieu privilégié pour les exécutions publiques. Et à l'époque on ne lésinait pas sur la mise en scène. Âmes sensibles, s'abstenir. Âmes tout court aussi.

Voilà ce que l'on peut lire dans l'Histoire de l'église Saint-Médard rédigée par Auguste Nayel et Henri Bodin :

SUPPLICES EN PLACE SAINT-MEDARD

Nul n'ignore que sous l'ancien régime toutes les horreurs que comportaient les supplices en usage, du fouet à la décapitation, se passaient en plein jour, sur la place publique, devant une populace plus cruelle souvent que le législateur.

Thouars, en conséquence de deux arrêts successifs du Parlement de Paris, certains jours eut le triste privilège de jouir d'un tel spectacle. Et si nous en parlons ici, c'est que la place Saint-Médard fut choisie comme lieu d'expiation.

C'est ainsi qu'en 1782 le bourreau mutila le poignet à une femme nommée Jacquelie Demeurant, accusée d'avoir empoisonné son mari. La victime fut ensuite brûlée vive toujours en place Saint-Médard.

En 1784, après un vol de bijouterie commis dans un magasin de la rue Saint-Médard ce moment rue des Orfèvres), les nommés Piault, Philiponnet et Méneroux avaient été détenus dans l'une des tours de la Porte-aux-Prévôts, laquelle servait alors communément de prison. Une certaine nuit de décembre, les trois malandrins assassinèrent leur geôlier et sa femme. Seul, cependant, Piault réussit à s'échapper par une fenêtre. Les deux autres criminels se firent « prendre » avant que d'avoir eu le temps de fuir... Et c'est à la suite de ce meurtre que Philiponnet et Méneroux furent condamnés à être roués vifs.

Le supplice eut lieu devant le porche de l'église Saint-Médard. Le bourreau étendit les membres de chacun des patients sur les quatre bras d'une croix de saint André. Puis, avec une barre de fer, il leur brisa les os des avant-bras, des jambes, des cuisses et des reins. Après quoi les « rompus » furent, exposés, jusqu'à putréfaction, sur une roue de charrette à la Croix-des-Piliers (route de Poitiers).

Source : L'église Saint-Médard de Thouars, par Auguste Nayel et Henri Bodin, 1902, p. 66-67.

La place Saint-Médard en 1825. Extrait du cadastre napoléonien.

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Et demain ne ratez pas le second épisode consacré aux exécutions sur la place Saint-Médard, un épisode d'autant plus cruel qu'il fut tout à fait illégitime.

En effet, après une longue enquête, je suis en mesure de démontrer qu'il s'agissait d'une erreur judiciaire, laquelle couta la vie à une malheureuse innocente.  


vendredi 15 novembre 2013

L'amour en cage

Comme la place du 4 août est dépourvue de décorations de Noël, la Nature a trouvé de jolis lampions pour la décorer.

Physalis alkekengi, autrement appelés "amour-en-cage".

Resterait à comprendre pourquoi la Nature s'ingénie à broder des formes si merveilleuses et a priori dépourvues d'utilité. Elle doit bien avoir ses raisons, la Nature, mais on préfère ne pas les connaître pour mieux se laisser aller à la contemplation du sublime.


mercredi 13 novembre 2013

L'art du négoce

Les marchands ont toujours été durs en affaire.

Au pays thouarsais n°9, carte postale ancienne
Transcription : 

- Quien ! parce que c'est toué ; j't'pairai 8 pistoles.
- 8 pistoles ? Badinez-vous ? Un gouron qu'j'avons nourri et pis sensément élevé comme un drôle !
- Y avez-vous fait apprendre à lire aussite ?



Au pays de Thouars, carte postale ancienne
Transcription :

- La j'ment qu'vous nous avez vendue a veut point trotter, y'a pas de bon sens qu'a soué v'nue de Bressuire en moins d'une heure ?
- Pisque j'vous dis qu'si... all'est venue en ch'min d'fer !..


mardi 12 novembre 2013

Méchant, mais pas que...


Vu à Thouars.


vendredi 8 novembre 2013

Couvrez ce saint que je ne saurais voir

Sainte-Verge aurait-elle honte d'elle-même qu'elle se fasse ainsi toute petite ?


On ne s'étonnera pas non plus que Sainte Verge ait un vignoble. 
Sainte Verge recouverte de feuilles de vignes... 
Il y a là comme une vérité biblique.


mercredi 6 novembre 2013

Flower Power

Document CCT.
Il y a quelques mois, une esquisse de la future école de musique à Tyndo avait retenu mon attention, on y voyait au premier plan des parterres de fleurs en place du parking. J'avais alors émis l'idée - saugrenue, cela va sans dire - qu'il s'agissait d'un parking à fleurs où chacun pourrait au besoin stationner ses propres pots de fleurs (cf "D'un dessin une réalité"). Oui, je sais, c'était idiot. Et puis c'était une blague, je le répète, C’ÉTAIT UNE BLAGUE ! 

Aujourd'hui, quelques mois ont passé et que voit-on sur la place de l’Aumônerie Saint-Michel, devant l'école Bergeon ?


Ne serait-ce pas là un pot de fleurs géant garé sur une place de parking ?


Une blague ! Je vous assure, chers concitoyens, que c'était une blague et que je n'imaginais pas une seconde qu'on pût prendre cette idée au sérieux. Je décline d'ailleurs toute responsabilité dans cette étrange et envahissante affaire de fleurs qui se mettent à squatter les places de stationnement dans notre ville. Qu'on ne vienne pas m'accuser, je n'y suis pour rien ; je vous en supplie, croyez-moi...


mardi 5 novembre 2013

Un goût de luxe

Parce qu'il a besoin d'un palais pour être apprécié à sa juste valeur, le Duhomard est un breuvage précieux. Ses produits dérivés le sont tout autant mais ceux-là s'achètent contre monnaie et ça peut couter très cher. 

Sur Ebay, on croise un exemplaire de la fameuse affiche de 1930 signée Dorfi. Pour ceux qui seraient rétifs aux enchères, le vendeur propose d'acquérir directement l'affiche pour la modique somme de 1850 euros ! Soit l'équivalent de 180 bouteilles de Duhomard.

Entre les deux, le choix est vite fait : collectionner avec modération.


Copie d'écran du site Ebay.

 
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