jeudi 27 décembre 2012

Les lavandières nocturnes de Rigné

Chemin aux abords du Ruault
Entre Le Ruault et Saint Jacques il fallait jadis traverser les bois pour rejoindre Thouars. L'idée en rebutait plus d'un car une vieille légende voulait que certaines nuits le promeneur qui s'y aventurait par mégarde pouvait y entendre les coups de battoirs de lavandières œuvrant dans le ruisseau tout proche. En pleine nuit et à cet endroit, il ne pouvait s'agir que de fantômes ! Mieux valait hâter le pas et surtout ne pas se retourner car ceux qui eurent le malheur de croiser les fameuses lavandières toutes de blanc vêtues les virent venir à eux portant dans leurs bras un linge blanc. Il était hélas déjà trop tard pour eux, ils auront trouvé la mort moins d'une semaine après ; le drap blanc qu'elles leur avaient présenté était en réalité leur propre suaire.  

C'est en substance l'histoire que racontait Louis Laurendin à la veillée quand il parlait de ses rencontres avec les lavandières dans les années 1872-1874. "Et je les ai entendu bien des fois, disait-il, qui lavaient leur linge au ruisseau en faisant claquer leurs battoirs...." (d'après Les chroniques thouarsaises, A. Olivier-Laurendin). En entendant le récit de son grand-père, la toute jeune Alice avait la chair de poule et elle ajoute à ce propos : "Et je dois avouer que bien des années plus tard, lorsque certains soirs j'accompagnais mon père et ensuite mon mari, à la pêche aux écrevisses dans le fameux ruisseau du bois de R'gny, je pensais aux Lavandières Nocturnes!"   

Si la forêt a perdu sa densité d'alors, le petit ruisseau existe toujours, et il en a vu passer des tragédies ! Pourtant personne n'explique comment les lavandières choisissaient leurs cibles.

Le ruisseau
En 1733, le sieur Bourinaud rencontra les lavandières tandis qu'il rentrait par une nuit noire d'un commerce qu'il avait à Rigné. Quelques jours plus tard, il mourut d'une fièvre fulgurante. Personne ne comprit comment ce fier gaillard avait pu être emporté si subitement. Personne ne savait que la veille de sa rencontre d'avec les lavandières il avait battu la bergère de la métairie. Quand il la frappa, il ne vit pas la rage qui sourdait dans ce corps meurtri. Et quand il vit les lavandières, il ne reconnut pas cette même rage qui réclamait justice. 

En 1837, un dénommé Guyot mourut à 32 ans d'une crise cardiaque. C'était bien jeune pour un tel drame et un homme à la santé pourtant robuste. Il ne sut pas lui-même ce qui lui valut un sort si tragique. Pourtant il croisait chaque jour une petite voisine alors âgée de 7 ans, laquelle avait été élevée dans le plus grand dénuement par une fille-mère qu'on avait violé et que les gens continuaient d'humilier en lui prêtant des mœurs légères. Chaque jour Guyot croisait l'enfant, et chaque jour il feignait de ne pas reconnaître sa propre fille. L'enfant qui n'en savait rien avait de grands yeux innocents, Guyot ne s'en émouvait pas pour autant. Quand l'enfant devint orpheline, Guyot la vit en larmes mais encore il ne s'en émut pas. Le soir même, quand il croisa dans les bois de Rigné les lavandières nocturnes, il ne reconnut pas dans leurs grands yeux innocents la détresse d'une enfant.

Le chemin longeant le ruisseau
En 1912, Pierre Granpin périt écrasé par la chute d'un arbre lors d'une après-midi sans vent ; l'histoire extraordinaire fit le tour du pays et on pleura beaucoup le pauvre homme. Mais personne ne savait que la veille il avait croisé un mendiant pneumonique engoncé dans un vieux manteau déchiré et qui demandait l’aumône. Granpin passa devant lui avec dédain et sans même lui prêter un regard. Il ne vit pas que se cachait derrière la misère son vieil ami Berlon, celui qui un soir de l'hiver 1910 était venu le voir pour lui demander d'honorer une dette qu'il avait contracté envers lui. Granpin avait alors saisi la reconnaissance de dettes et l'avait jetée au feu avant de mettre son ami à la porte.

Quand une lavandière nocturne lui tendit le grand linge blanc, Granpin reconnut sur son visage le regard noir de reproches qui fut celui de Berlon deux ans plus tôt. Il donna alors en guise de repentir des torrents de larmes, il supplia, se mit à genoux, il invoqua Dieu et tous ses saints, se roula à terre en pleurnichant autant que possible, mais il était trop tard, son sort était scellé.

***

Moralité : les bois de Rigné sont un endroit sûr et très agréable... pour ceux qui ont bonne conscience. 


2 commentaires :

Anonyme a dit…

Je vous souhaite, à vous et à vos lecteurs, un Nouvel An rempli de santé, de petits bonheurs, et surtout d'une bonne conscience ! 2013 sera une bonne année puisque nous retournons en France pour étoffer les images et les parfums de nos voyages. Marguerite (Auntie M)Gobeil

LUCAS a dit…


Merci Marguerite,
My best wishes to you and yours. I hope 2013 will bring you good travels (without "road closed").
Take care of yourself
Lucas.

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